On n’a pas fini de s’interroger sur les raisons du succès grandissant de ce qu’il est convenu d’appeler, le jeu de société moderne. Des esprits rationnels y trouveront des explications: l’overdose de télé et de jeux vidéo, la montée en puissance d’une culture ludique dans la civilisation des loisirs, le besoin de s’évader et de rêver en bonne compagnie… Qu’importe l’explication puisque le fait est reconnu et les chiffres le confirment: quelque 1500 nouveaux jeux par an et un record de 209 000 visiteurs au dernier salon d’Essen. La machine est bien engagée sur la voie du succès avec pour moteur principal l’inventivité des auteurs et l’audace des éditeurs. Toutefois, limiter à cela le phénomène serait non seulement incomplet, mais traduirait aussi une énorme injustice: ce serait oublier et négliger le rôle de l’illustration et donc des illustrateurs. Ouvrez une boîte de jeu des années 1960, 1980, 2000 ou 2019… La première chose qui frappe, c’est l’évolution du graphisme. C’est l’univers visuel qui s’est métamorphosé non pas pour illustrer une mécanique de jeu, mais pour provoquer une véritable immersion. L’image est désormais tellement incontournable qu’elle détermine même le plaisir ludique. C’est au point que l’illustration est parfois devenue un moteur du jeu. C’est pourquoi ce numéro de Plato rend hommage aux artistes et à ces jeux qui proposent de communiquer au moyen de l’image, Dixit et les autres.

Yves Cavalier

(Cet édito est paru dans Plato magazine n°122 de décembre 2019)